En programmation, il existe un concept nommé Patrons de conception (ou Design patterns). Un patron de conception, c'est un morceau de logique qu'on peut implémenter dans le code d'un logiciel pour régler un problème précis.
Il est avantageux d'utiliser un patron de conception (à la condition de l'utiliser dans le bon contexte), et pas seulement parce qu'on n'a pas besoin de se casser la tête pour trouver une autre solution: ça contribue aussi à la lisibilité du code. En effet, comme chaque patron a un nom qui lui est propre, ça devient un outil de communication formidable. Même s certains patrons de conceptions sont plutôt complexes et difficiles à expliquer, il suffit de mentionner leur nom à un programmeur expérimenté pour y faire référence, sans la moindre ambiguïté.
Je me suis demandé, récemment, s'il ne serait pas possible d'appliquer, dans une certaine mesure, le concept de patron de conception à l'écriture de fiction. À première vue, pas du tout: un auteur ne veut pas récupérer un morceau de logique générique et l'intégrer à son récit. Ça s'appelle un cliché, et tout le monde sait que c'est mal.
Mais justement, en informatique, il existe des mauvais patron de conception, des anti-patrons, qui schématisent des mauvaises pratiques de programmation. Et qui, comme les bons patrons, ont chacun un nom, pour faciliter la communication.
Même si le concept de patron de conception ne me semble pas avoir d'équivalent en écriture, celui de l'anti-patron se rapporte clairement à celui du cliché (surtout si on se concentre sur les clichés dans le récit plutôt que dans les formulation figées). Cela dit, l'aspect "nom significatif" des clichés n'a pas été tout à fait normalisé. On procède plutôt par périphrases, et même si on se comprend quand on parle "Ce n'était qu'un rêve" ou de "L'élu de la prophétie", il me semble que ça pourrait être un peu mieux synthétisé.
À ma connaissance (mais n'hésitez pas à me contredire!), il n'existe pas vraiment d'ouvrage qui fait une recension exhaustive de ce genre de cliché tout en leur donnant des noms significatifs. Par exemple, le site (en anglais) TvTropes présente bien plusieurs clichés en SF (notamment!), mais ne les nomme pas. En fait, le meilleur effort pour classifier les clichés de la littérature de genre que je connaisse est Comment ne pas écrire des histoires, de Yves Meynard.
Si vous n'avez jamais lu cet article, gâtez-vous. C'est aussi drôle que pertinent. Certes, le lexique qui constitue la deuxième partie de l'article ne traite pas que de clichés, mais aussi des problèmes généraux qui peuvent sévir dans les littératures de l'imaginaire (ainsi, une méconnaissance des grandeurs astronomiques n'est pas un cliché de la SF per se, mais est un symptôme d'un mauvais texte); tout de même, c'est un fichu bon début.