12/02/2015

Fin de session (encore)

C'est ce temps de l'année à nouveau. Ma fin de session est imminente (début des examens la semaine prochaine), et gruge tout mon temps/énergie depuis quelques semaines déjà. Je mettrai donc ce blog en pause pour le mois de décembre : on se retrouve en 2016 !

11/25/2015

Écriture (VI) - Le désordre nécessaire

J'ai réalisé récemment que le fait d'avoir un plan assez détaillé de mon roman m'incitait à l'écrire dans l'ordre de lecture, et que ça ne marchait pas vraiment avec moi.

J'ai plutôt tendance, naturellement, à sauter d'une scène à l'autre, écrire la fin après avoir rédigé le premier jet de l'intro, puis d'aller au milieu pour établir cette scène que je sens vraiment plus que les autres... Incidemment, certaines de mes histoires finissent par être structurées un peu de la même façon, même si j'essaie de toujours justifier ce genre de passe-passe narrative par un concept propre au récit.

Or voilà, pour un projet de longue haleine, l'écriture chronologique m'ennuie. Et l'ennui pendant l'écriture d'un roman, ce n'est clairement pas bon signe. Question de me fouetter un peu, j'ai donc décidé d'aller rédiger un premier jet de la toute fin du roman (j'y travaille encore). Ensuite, une scène de combat (oui, il y en aura au moins une) qui me revient souvent à l'esprit pendant que je réfléchis à ce projet littéraire. Ensuite... On verra. Peut-être reprendre le chapitre du début que j'ai abandonné. L'idée étant de me stimuler, de me libérer des passages que je perçois mieux pour ensuite me concentrer sur le reste.

Et vous, êtes-vous plus du genre à écrire en ordre chronologique, ou alors de façon plus non-linéaire?

11/18/2015

Entendu (IV)

Dehors, dans une file d'attente pour un concert. Un homme se tourne vers la femme qui l'accompagne.

-- Ah, ils fouillent les sacs.

-- Quoi? Shit...

-- J'imagine que c'est pour ça que c'est plus long. Remarque, je les comprends, avec le Bataclan pis toute.

-- Faut qu'on s'en aille.

-- De quoi tu parles? On est presque rendus.

-- Tu comprends pas. Je peux pas me faire fouiller ma sacoche right now. On s'en va.

Soupir, regard insistant, quelques pas de côté. La file comble avidement le vide qu'ils laissent derrière eux. Ils s'éloignent en se disputant à voix basse. Puis, au loin, un éclat de la voix de l'homme, qui parvient à couvrir le grondement urbain:

-- Why the fuck que t'avais besoin de toute ça juste pour à soir?

11/11/2015

Cobayes - Benoit, par Carl Rocheleau


Benoit arrive dans une grande ville pour y mener des études en cinéma. Comme il vient de rompre avec sa copine (avec qui il devait partager un logement) et que sa situation financière est plutôt précaire, il doit rapidement se trouver un loyer modique. La chance lui sourit lorsqu’il rencontre Mini, une artiste excentrique d’origine malaisienne, qui lui propose d’habiter dans une Westfalia remisée dans un garage. Rapidement, une idylle se développe entre les deux personnages. Comme Mini s’apprête à partir dans un voyage en Malaisie, Benoit décide de participer à un essai clinique d’AlphaLab afin d’amasser les fonds pour accompagner sa douce moitié. Les effets de la drogue qu’on injecte à Benoit se font rapidement sentir : il devient plus agressif et peine à contenir sa soif de sang. Les cadavres s’accumulent autour de l’étudiant, alors que ce dernier tente de canaliser ses pulsions pour protéger Mini.

Carl Rocheleau nous livre un roman particulièrement bien construit, soutenu par des personnages forts, une intrigue bien ficelée et une plume maîtrisée. L’inéluctable déchéance du personnage est très bien articulée : elle est d’abord représentée par des extraits de scénarios que Benoit rédige, un peu comme un journal intime romancé. Ça fonctionne, parce que le récit introduit ces passages très rapidement, bien avant l’injection, et que ces extraits donnent au lecteur un point de vue privilégié sur la psyché du personnage. Quand Benoit passe finalement à l’acte, la transition se fait de façon fluide et cohérente. Sa passion pour le cinéma, et particulièrement pour les films de Quentin Tarantino, sert aussi de tremplin aux scènes de violence plus intenses qu’on retrouve à la fin du roman. J’ai aussi beaucoup apprécié le fait que Benoit s’imagine être hanté par les fantômes de ses victimes, qui ne se gênent pas de l’insulter. Cela confère une tension efficace à certaines scènes qui seraient autrement plutôt banales. Ces fantômes servent aussi à soutenir, à souligner la progression de l’intensité dramatique dans le roman : chaque meurtre affecte le personnage de façon durable.

Petit point négatif (à propos du dernier quart du récit — à ne pas lire si vous ne voulez pas vous faire gâcher la surprise) : l’évolution du personnage de Mini n’est pas vraiment crédible. Benoit cherche d’abord à garder ses pulsions meurtrières secrètes, et s’inquiète que sa copine le rejette si elle apprenait les horreurs qu’il ne peut s’empêcher de commettre. C’est un bon générateur de tension, et c’est tout à fait réaliste. Mais voilà, Mini tombe sur son cahier de scénarios, comprend qu’il ne s’agit pas seulement de fictions, et… Elle est tout à fait à l’aise avec ça, allant même jusqu’à l’encourager dans ses actes déviants. Mmm. J’ai décroché un peu en lisant ça.

Mais autrement, Benoit est un très bon roman dramatique bien sanglant, qui réussit avec brio une escalade dans l’horreur et la violence. On en voudrait davantage.


Critique parue dans Brins d'éternité 42

11/04/2015

Entendu (III)

Dans un magasin d'électronique. Derrière moi, un client d'un certain âge interpelle un jeune commis.

-- Scusez? Je cherche un, heu... You-Be-Esse?

-- Un...? Ah, une clé USB?

-- Oui, oui!

-- Suivez-moi.

-- Et ça, ça va m'aider pour mon... heu... mon ouialle-faille?

Pauvre monsieur. Il s'en est fallu de peu, mais au moins, il n'a pas essayé d'acheter une clé USB chez le serrurier.

10/28/2015

Écriture (V) - Trouver le temps

Bon, je vais déclarer ceci: décider d'écrire un roman alors que je suis une session à temps plein à l'université n'est peut-être pas la meilleure idée que j'ai eue.

Mais en même temps, j'ai un peu l'impression que j'avais pas trop le choix. J'écris rarement quand j'ai une longue période de vacances. Je n'ai pas composé une ligne de tout l'été, par exemple. Oui, j'ai fait un plan relativement détaillé du roman sur lequel je travaille (plan dont, d'ailleurs, je m'écarte déjà pas mal). Et oui, ça compte dans le travail d'écriture, mais ce n'en est pas.

J'ai besoin d'être très occupé, d'avoir la tête remplie de plein d'informations, puis, à partir de là, de me trouver une stratégie pour écrire, par dessus tout le reste. Dans l'urgence, dans la contrainte. Ma méthode du 300 mots par jour fonctionne encore, pour le moment (j'ai atteint l'étape du 25% de la longueur totale projetée dimanche dernier), mais côté qualité, je sens que ça me donne un premier jet assez faible, redondant, incomplet et incohérent. J'essaie d'en faire abstraction, de me concentrer sur l'objectif de produire simplement du matériel romanesque, mais c'est parfois difficile de revenir à la rédaction d'une scène que je sais brisée. L'ampleur des corrections à apporter est parfois plutôt intimidante.

Je devrai me trouver une stratégie de réécriture, j'imagine.

10/21/2015

Écriture (IV)

Mine de rien, j'ai atteint, hier, la marque des cinquante jours d'écriture consécutifs. Je suis content d'être au moins capable de garder le rythme, malgré mon horaire d'étude très chargé (mi-session oblige). Toutes mes journées commencent avec une petite séance d'écriture. Je remarque une certaine prise de vitesse, à la longue. Au début, rédiger mon 300 mots (minimum) me prenait environ une heure. Même si ça varie d'un jour à l'autre, je parviens maintenant à le faire deux fois plus rapidement, la plupart du temps. Si je n'étais pas complètement débordé, j'en profiterais probablement pour écrire davantage chaque jour. Mais je préfère me ménager.

La ligne d'arrivée est encore très loin (nouvelle estimation pour la fin du premier jet: début juin 2016), mais ça progresse, indéniablement.

10/14/2015

Entendu dans la rue (II)

En ligne, avec mon sac de bouffe à chat, au Magasin de Bouffe à Chat. La caissière est en mode grosse jasette avec la cliente juste avant moi, une dame dans la quarantaine.

-- Oh, votre carte fidélité est toute prête! C'est bien ça. Vous venez souvent ici?

-- Oui. Je travaillais chez Magasin de Bouffe à Chat, avant.

-- Pour vrai? Ici, à la succursale?

-- Non, au Bureau Central...

-- Ah, c'est cool!

-- ... jusqu'à ce que je me fasse mettre à pied et qu'on me remplace par une plus jeune.

-- ... Ah...

Le reste de la transaction se fait en silence. La mienne aussi.

Ça fait mon affaire: je n'avais pas envie de parler.

10/07/2015

Petit rappel

C'est ce samedi qu'aura lieu le lancement de Brins d'éternité 42 (et du dernier Clair/Obscur, et des titres de la rentrée autmonale des Six Brumes). Ça se passe au dernier étage de l'Amère à boire, à partir 17h!

9/30/2015

Écriture (III)

Je travaille sur le premier jet de mon roman fantastique depuis maintenant un mois. Comme je le mentionnais précédemment, j'ai décidé de m'imposer un rythme d'écriture quotidien: un minimum de 300 mots, chaque matin. C'est peu, mais c'est souvent tout ce que j'arrive à produire, avec toutes mes autres obligations.

Pour me motiver dans ma tâche, je me suis créé un petit tableur Excel (enfin, LibreOffice Calc, puisque je passe 99% de mon temps sur Linux) où j'enregistre, chaque jour, la progression du premier jet. J'utilise aussi ce fichier pour me donner une estimation du temps restant avant de mettre le point final. Comme je ne sais pas exactement quelle longueur aura le roman au final, mais que j'ai une assez bonne idée, grâce à mon plan, du nombre de scènes total, j'ai réservé une section du document au calcul de la longueur moyenne des scènes rédigées. À partir de là, je peux obtenir, en multipliant par le nombre de scènes prévues, une estimation du nombre de mots que devrait contenir le roman. Comme je sais que je dois écrire au minimum 300 mots par jours, je peux donc calculer une date de complétion. En ce moment, c'est quelque part en mi-mai 2016.

Évidemment, c'est à titre indicatif seulement: la date change souvent. Si j'écris une scène plus courte que la moyenne, ça baisse. Même chose si j'écris 600 mots une journée, plutôt que seulement 300. Par contre, si une scène s'avère plus longue que les autres, la projection du nombre total de mots augmente, et l'échéance est repoussée. Plus j'écris de scènes, cependant, plus la moyenne de longueur a tendance à être représentative, et les variations se stabilisent. Il y aussi le fait que j'écris, en moyenne, un peu plus que 300 mots par jours (je dois être à environ 450, dans les faits). L'estimation est donc plutôt pessimiste. Mais c'est une bonne chose: je devrais voir la fin avant la date indiquée.

Comme je le disais, tout ça, c'est surtout pour me motiver, pour me faire réaliser que chaque séance de travail, même modeste, m'amène toujours un peu plus près du but. Parce que j'en ai besoin, de motivation. D'abord pour m'aider à m'installer au clavier chaque matin pour développer un peu plus le canevas de ce qui devrait être, éventuellement, une oeuvre littéraire. Et aussi parce que pour le moment, le résultat est plutôt, disons, mitigé. Malgré tous les efforts que j'ai déployés dans l'élaboration du plan, il reste des problèmes de cohérence, de caractérisation des personnages, de présentation des concepts, de rythme narratif. Pour le moment, je choisis de ne pas m'attarder à ça et de me concentrer sur le simple fait d'aligner des mots, afin de me donner de la matière brute, très brute, à partir de laquelle je pourrai, j'espère, tailler quelque chose de potable, puis de passage, puis de bon, et ainsi de suite, à travers des itérations successives.

Il y a un caractère expérimental à tout ça: je ne sais pas encore si cette méthode de travail mon convient vraiment. Mais au moins, j'écris.

9/23/2015

Entendu dans la rue (I)

Minuit et des poussières, dans un casse-croûte Montréalais. Deux jeunes hommes, passablement éméchés, se demandent à voix haute ce qu'ils vont commander.

-- Poutine. Clairement poutine pour moi.

-- Mmm, je devrais prendre un végéburger. C'est bon pour la santé, un végéburger. Pis c'est bon dans ma bouche. Oh, ou alors un spécial double burger, avec bacon!

-- ... donc t'hésites entre pas de viande pis plein de viande?

-- Ben les deux sont le même prix!

Vu de même.

9/16/2015

Le mythe (toxique) de la critique constructive

Daniel Sernine signe, dans le dernier Lurelu (volume 38, numéro 2, automne 2015), un éditorial que je trouve particulièrement intéressant. Il y parle du rôle du critique dans le milieu de l’édition (jeunesse, pour cadrer avec la ligne éditoriale de Lurelu). Tout de même, on peut transposer plusieurs de ses propos sur le monde de l’édition « adulte ». Comme je suis moi-même à la fois auteur et critique, je me suis senti interpellé par le texte de Sernine. Il y aborde le sujet délicat de la critique constructive, qui serait, selon plusieurs auteurs, une qualité essentielle : « Une critique devrait être constructive, ou ne pas être. » Je ne partage pas cet avis, et Sernine non plus.

Pourquoi insiste-t-on sur le fait qu’une critique doit être constructive? Je crois que l’idée vient, d’une part, d’une certaine incompréhension de la place et du rôle du critique littéraire et, d’autre part, d’une mauvaise utilisation de l’expression « critique constructive ».

J’ai eu plusieurs discussions sur le sujet avec des amis et des connaissances qui œuvrent dans le milieu de l’édition. Deux arguments reviennent presque systématiquement pour défendre la critique constructive (et discréditer ceux qui se permettent d’émettre des avis négatifs, parfois grinçants, sur les romans qu’ils n’ont pas appréciés). Le premier argument stipule qu’une critique devrait être constructive, puisqu’une critique bêtement négative (ou pire, méchante) ne sert à personne. Quant au second, il soutient qu’en rédigeant des critiques dans une perspective constructive, on s’assure de garder un ton respectueux. Parce qu’en fait, un bon critique se doit d’être toujours respectueux. Et puisqu’on ne peut pas être méchant et respectueux en même temps, les critiques méchants deviennent, conséquemment, de mauvais critiques.

Je ne souscris à aucun de ces deux arguments. Voici pourquoi.

Parlons d’abord de la nature constructive de la critique. Cet argument m’apparaît sournois, parce que le terme « constructif » est tellement connoté positivement qu’il est difficile de s’y opposer. En fait, je ne suis pas contre les critiques constructives, mais je n’aime pas l’idée d’en faire un prérequis systématique pour qu’une critique soit considérée sérieuse et acceptable. Même chose pour les tenants de la critique « nuancée », cette dernière devant, si je comprends bien, obligatoirement dire au moins une bonne chose sur l’œuvre critiquée (cependant, comme le dit Sernine : « Mais s’il n’y a rien à dire de positif au sujet d’un livre? Tout simplement rien? »). La critique constructive a sa place, évidemment, mais pas nécessairement dans un contexte de critique littéraire. Le terme « constructif » n’est pas adéquat pour désigner l’obligation du bon critique de ne pas tomber dans la gratuité, d’éviter de simplement énoncer son avis. En ce sens, on devrait plutôt parler de critique « argumentée ». Ce terme délimite mieux la responsabilité du critique à l’honnêteté et la transparence intellectuelle : s’il mentionne un point (positif ou négatif) à propos d’un roman, il doit donner des exemples pour asseoir ses propos. Une bonne critique constructive est argumentée, mais une critique argumentée réussie n’est pas nécessairement constructive. On pourra m’accuser de jouer sur les mots. Mais en tant que littéraire, je vais prendre ça comme un compliment.

Une critique gratuite, sans argument (et donc de mauvaise facture) dira : « Ce roman est un échec lamentable. J’ai détesté ma lecture d’un bout à l’autre. » La version argumentée de la même critique a déjà pas mal plus de substance : « Ce roman est un échec lamentable, parce que... et... et puis… Ce pourquoi j’ai détesté ma lecture d’un bout à l’autre. »

Dans les deux cas, on a certainement affaire à des critiques négatives. Mais s’agit-il pour autant de mauvaises critiques? Si les arguments se tiennent et qu’ils semblent raisonnablement reliés à l’appréciation du critique, pour moi, oui, c’est adéquat (la première critique donnée en exemple n’est donc pas vraiment réussie, puisqu’elle ne présente aucun argument). Que la critique soit positive ou non. Qu’on soit d’accord avec l’appréciation du critique ou non.

(D’ailleurs, petite parenthèse. J’ai souvent entendu des gens affirmer qu’un critique « s’acharnait » sur un roman, c’est-à-dire qu’il enchaînait les exemples sur les défauts de telle œuvre. Si tous les points que le critique souligne sont vérifiables, où est le problème? Y a-t-il un quota d’éléments négatifs qu’on peut dire sur un roman?)

Ici, les partisans de la critique constructive rétorquent habituellement avec l’un ou l’autre de ces contre-arguments : 1) Mais une critique constructive, ça sert à l’auteur. C’est mieux, non? (ou encore...) 2) Mais dire qu’un roman « est un échec lamentable », ce n’est pas très respectueux, hein. Les vrais critiques ne tiennent pas ce genre de propos!

Je reviendrai plus tard au deuxième point, sur le respect, déjà annoncé. Finissons-en d’abord avec la critique constructive.

L’idée que le critique doit « aider » l’auteur dans son cheminement est plutôt incongrue. D’abord, le roman (ou la nouvelle, mais bon, simplifions) critiqué est déjà publié. C’est au directeur littéraire, au comité de lecture de faire des critiques constructives, quand l’œuvre est encore malléable, que ses défauts peuvent être corrigés. Sernine souligne d’ailleurs ce non-sens dans son éditorial : « Ce serait désormais à la critique d’assumer [le rôle de l’éditeur]. Mais c’est trop tard : le livre est publié. »

J’ajouterais un autre point qui m’apparaît primordial  : le critique n’est pas en dialogue avec l’auteur, mais avec l’œuvre de ce dernier. Non, ce n’est pas la même chose. Le critique n’a pas de compte à rendre à l’auteur en tant qu’individu. Le critique n’a rien à gagner (ou à perdre) si l’auteur fait mieux la prochaine fois, ou s’il répète les mêmes erreurs. Le critique explore le roman, en examine la structure, la facture, la thématique, la richesse littéraire, dans une perspective d’appréciation et d’analyse (dans le fond, l’un va pas mal avec l’autre). Et pour ce faire, le critique doit considérer le roman comme un produit achevé, statique. Or, une critique constructive est uniquement utile quand l’auteur peut appliquer les éléments critiqués à la réécriture de son œuvre. Et comme nous l’avons dit plus tôt, après la publication, il est trop tard. À quoi bon?

Je répète, donc : on devrait parler de critique argumentée plutôt que de critique constructive dans le cadre d’une critique littéraire publiée. La critique constructive est tout à fait pertinente (et nécessaire!) avant la publication. Mais après…?

La question du respect, maintenant. Sernine s’interroge dans son éditorial : « Y a-t-il une manière "respectueuse" d’affirmer qu’un livre est médiocre? » Je crois qu’à la base, cette façon de raisonner est viciée. Chercher l’équilibre entre la formulation respectueuse de critiques négatives et le besoin pour le critique d’énoncer, au besoin, des commentaires négatifs est un exercice louable, mais qui ne touche ultimement pas au fond du problème. Plutôt que de se concentrer sur l’expression du respect ou de l’irrespect dans la façon dont une critique est rédigée, il m’apparaît plus pertinent de considérer la cible, c’est-à-dire le destinataire de ce respect. S’agit-il de l’œuvre ou de son auteur? C’est précisément là que la limite doit être tracée.

Un critique qui insulte un auteur, ce n’est pas acceptable. Un critique qui insulte une œuvre, que ce soit un film ou un roman, ça ne pose aucun problème, parce qu’une œuvre N’EST PAS UNE PERSONNE. Je ne pourrais trop insister sur ce point. Une œuvre n’a pas de sentiment. Une œuvre n’est pas un être vivant, et encore moins un être conscient. Une œuvre, un roman, ça ne mérite pas automatiquement le respect. Une personne (comme, par exemple, un auteur), oui.

Il y a une énorme différence entre « ce livre est un véritable torchon » et « cet auteur est très mauvais ». Dans certains cas, c’est une simple question de formulation (la plupart du temps, mentionner qu’un roman est mal écrit revient pas mal à dire que l’auteur écrit mal, par exemple), mais c’est justement là que tient la responsabilité de respect qu’a le critique. Pas envers une œuvre, mais envers une personne.

Et oui, je suis conscient qu’une critique négative n’est jamais plaisante à recevoir. J’en ai reçu (et j’ai survécu!). Je comprends qu’un auteur puisse être insulté par une critique qui ne fait que ressortir des points négatifs de son œuvre, peut-être même dans des termes cinglants. Mais ça ne veut pas dire que le critique a manqué de respect envers l’auteur. C’est une différence fondamentale.

Certains insisteront que, quand même, une critique vitriolique n’est pas professionnelle. Que les « vrais » critiques ne font pas cela (selon la situation, les « faux » critiques seront blogueurs, ou publieront en fanzine, ou encore dans des revues spécialisées et professionnelles mais, selon ces bons défenseurs de l’ordre et de la morale, ne le devraient pas). Puis-je souligner à quel point cet argumentaire est vide? Tant qu’à faire, les « vrais » auteurs n’écrivent pas de mauvais romans, bon. Est-on plus avancé? Non. Je vois dans ce genre d’accusation une volonté puérile de définir le rôle du critique littéraire en fonction de l’ego (ou de la sensibilité, pour tourner ça plus gentiment) des auteurs. Ce n’est pas vraiment comme ça que ça fonctionne (ou que ça devrait fonctionner). La critique littéraire a une dimension, justement, littéraire. C’est un acte de création, au même titre que n’importe quelle écriture de fiction. La portée, le but, les stratégies de mise en texte sont très différents, puisque la critique porte spécifiquement sur une œuvre, ou sur un corpus, et qu’elle y répond. Néanmoins, fondamentalement, la critique a droit aux mêmes libertés que n’importe quelle autre œuvre littéraire.

J’entends aussi souvent qu’on ne devrait pas critiquer les mauvais livres, que les critiques devraient se contenter de parler de ce qu’ils ont aimé. C’est une stratégie tout à fait acceptable, mais je suis mal à l’aise avec l’idée d’en faire une obligation. Pourquoi empêcher les critiques de rédiger des critiques négatives? Pourquoi ne pas empêcher les auteurs de publier des mauvais romans, à la place? Quoi, c’est subjectif, la valeur d’un roman? Et bien, si c’est subjectif et que l’avis de quelqu’un sur une œuvre lui appartient, peut-on laisser les critiques s’exprimer comme ils l’entendent sur les romans qu’ils traitent, [insérer ici sacre bien senti]? Que le critique diffuse/publie son opinion sur la question ne change rien et ne le place aucunement dans une situation particulière (tant qu’il demeure respectueux envers la personne qui a créé l’œuvre).

Je suis conscient de ne pas avoir fait le tour de la question. Mais en tant qu’auteur, en tant que critique, c’est un débat qui m’intéresse. J’y reviendrai probablement, si je trouve un autre angle à partir duquel aborder le problème. Je serais curieux de lire vos avis là-dessus, d’ailleurs.

9/09/2015

Cobayes - Yannick, par Martin Dubé


Yannick est un bon gars. Il a tendance à aider les autres, même si c’est à son détriment. Ainsi, quand il apprend que sa sœur, Myriam, a d’urgents besoins financiers, il décide de lui donner un coup de main en s’inscrivant à une étude clinique organisée par AlphaLab, pour se faire un peu d’argent. La substance qu’on lui injecte modifie son comportement : Yannick devient plus froid, plus égoïste, mais en même temps plus confiant, plus fonceur. Il se surprend aussi à avoir des fantasmes de violence qui ne lui ressemblent pas. Yannick, confus, tente tant bien que mal de retrouver son identité, sous la surveillance constante du mystérieux Nettoyeur, un employé d’AlphaLab qui le suit à la trace.

Avant de parler du roman de Martin Dubé, j’aimerais mentionner quelque chose que j’ai oublié de soulever dans mes deux critiques précédentes (1, 2) : j’adore le visuel des couvertures de la série Cobayes. Yannick ne fait pas exception, avec ce cœur sanguinolent reposant dans une main ouverte (et en plus, le personnage a, lui aussi, le cœur sur la main. Allez, avouez que c’est mignon).

Je suis un peu moins emballé par l’intérieur du livre, cependant. Le principal défaut que je reproche au roman est que le narrateur raconte des blagues. Constamment. Du début à la fin. Avant, pendant, après l’injection. Et, malheureusement, c’est fait de façon malhabile et forcée, rarement vraiment drôle, à travers un incessant flot d’anecdotes qui n’ont aucun rapport avec le récit et qui ne dressent pas, la plupart du temps, un portrait cohérent et consistant des personnages. L’auteur dit, dans sa présentation, avoir voulu créer un « suspense où le drame côtoie l’absurde ». Sans prétendre que c’est un projet voué à l’échec (je pars du principe que tout est possible en littérature), je constate que le roman n’est pas non plus une réussite. Comme je l’ai mentionné, sa dimension absurde laisse plutôt tiède. Mais qu’en est-il du suspense et du drame?

Pour le dire crûment : il ne se passe presque rien dans le récit. Tout au long de l’histoire (à partir du moment de la première injection), Yannick réprime les pulsions violentes qui l’habitent, se forçant à être encore plus gentil que d’habitude, et… c’est tout. Il y a bien quelques accidents de parcours, et une certaine tension induite par la présence inquiétante du Nettoyeur, de même qu’une réflexion intéressante sur la nature de l’Homme (peut-on contrôler ce qu’on est, peut-on dompter le mal?), mais il n’y a pas vraiment d’événements romanesques marquants, seulement une succession de scènes plus ou moins pertinentes où Yannick n’est jamais en danger. Dois-je rappeler qu’il y a un cœur humain dégoulinant de sang sur la couverture du livre? Alors, où est-il, ce sang? Où sont les viscères?

En fait, oui, le roman contient des scènes de violence, des moments où Yannick s’adonne à la dépravation qui le dévore de l’intérieur. Mais ces scènes sont systématiquement des fantasmes, des rêves éveillés. Pire, ces fabulations sont toujours présentées comme si elles étaient réelles, avant que le narrateur ne revienne au présent et reprenne ses habitudes de bon gars. Je crois comprendre ce que le récit cherche à mettre en place, ici : brouiller la frontière entre le réel et le rêve, transposer dans la narration la perte de repères qu’éprouve Yannick. L’intention est louable, mais ce n’est pas fait de façon compétente, et le résultat est une structure narrative particulièrement bancale qui empeste l’amateurisme et, surtout, qui ne respecte pas le lecteur. C’est là, à mon sens, un péché littéraire capital. Cela dénote aussi une certaine paresse dans la construction de l’histoire : plutôt que d’explorer les conséquences funestes d’une action extrême, le roman encapsule l’acte déviant dans un rêve, qui peut être évacué dès qu’il a été présenté, sans que cela affecte d’aucune manière la suite des événements. Le roman ne sort jamais de la zone de confort établie par l’introduction. Ce statu quo continuel a comme effet que les personnages n’évoluent pas, ou presque, ou en tout cas pas de manière crédible.

(Avertissement : je dévoile la fin du roman dans ce paragraphe. Vous pouvez le sauter si vous ne voulez pas que je vous gâche la surprise). Dans le cas de Yannick, par exemple, la première partie de la finale nous le présente comme étant revenu à la normale : gentil, aimable, attentionné. Mais dans la seconde moitié de la fin, coup de théâtre : finalement, Yannick est vraiment devenu méchant et tue sa voisine. Ah bon? Quand le changement s’est-il produit? Certainement pas pendant, disons, tout le roman, où il résistait efficacement à ses pulsions. La transformation se produit donc quelque part entre le dernier chapitre et l’épilogue. C’est gratuit, pas du tout expliqué et complètement en contradiction avec tout ce qui précède. C’est particulièrement frustrant, et ça donne l’impression au lecteur qu’il a perdu son temps avec ce roman.

Je trouve ça très triste, tout ça, parce que Martin Dubé a quand même une bonne plume. Sauf que sa prose ne rachète pas les graves tares narratives du roman, ou encore le fait que son narrateur se complaise dans un humour déplacé et inefficace. Les rares passages où la narration est omnisciente, par exemple, sont mieux construits et beaucoup plus intéressants que le reste.

C’est malheureux, mais je ne peux pas recommander la lecture de Cobayes – Yannick, même aux fans de la série : le roman n’apporte strictement rien à l’histoire générale, et les références aux autres titres sont si subtiles qu’elles n’ont aucune substance. À éviter.


Critique parue dans Brins d'éternité 41

9/02/2015

Bonne rentrée!

De retour à l'université, déjà!

Finalement, cet été, je n'aurai pas écris une seule ligne, MAIS j'ai complété un plan assez détaillé de mon prochain roman fantastique. J'en ai d'ailleurs commencé la rédaction depuis lundi, à raison d'une heure, environ, chaque matin. Ces sessions matinales me permettent, jusqu'à présent, d'écrire environ 300 mots. C'est ce que je me fixe comme minimum quotidien, avec un objectif de 600 mots par jour. Comme je ne suis pas encore tout à fait certain de la longueur que prendra le roman, je préfère ne pas m'imposer de date de tombée. L'important, pour le moment, c'est de redonner un peu de vigueur à mon muscle créatif en m'imposant une petite routine d'écriture. J'espère juste que je serai capable de la respecter quand ma session va embarquer pour vrai.

7/01/2015

Je serai au ComicCon de Montréal


Je passerai quelques heures, en fin de semaine, au ComicCon de Montréal. Je serai au kiosque des Six Brumes (1819). Voici mon horaire:

Vendredi : 13h à 15h

Samedi : 9h à 11h

Dimanche : 15h à 17h

Si vous passez par là, venez me serrer la pince!

6/24/2015

Écriture (II)

J'avais pas mal délaissé le travail sur mon plan, avec les événements de la semaine dernière, mais maintenant je m'y remets doucement.

J'ai plus ou moins bouclé les fiches de personnages. Il reste encore du travail à faire là-dessus, mais j'arrivais à un point où ça ne progressait plus avec cette méthode. J'ai donc commencé à rédiger les plans du récit. J'en prévois trois, un pour chaque trame narrative. Ça me permettra d'avoir, à terme, un résumé plus précis du déroulement du récit, que je pourrai ensuite découper en scènes dans le plan narratif.

J'ai décidé de m'attaquer directement à la trame qui me semblait la moins claire, et déjà, j'ai décelé des problèmes dans l'idée que j'avais: tel personnage ne peut pas vraiment se comporter de telle façon, parce que ce n'est pas crédible, et ça télégraphie un peu trop un retournement prévu pour plus tard. Je réalise que j'ai souvent deux types de solutions à ce genre de problème: soit je simplifie le récit, en supprimant complètement l'événement, soit, au contraire, je complexifie, en ajoutant d'autres événements pour mieux introduire ce que j'avais en tête. La plupart du temps, j'opte pour l'ajout, et je trouve ça très emballant: il me semble que l'histoire prend du corps, de la substance, et que ça me permet de tisser des liens plus solides entre mes idées et mes concepts.

Pour le moment, j'essaie de me concentrer sur une trame, de chercher le bon déroulement des événements pour que cette partie du récit fonctionne. Mais je ne peux m'empêcher de noter des parallèles intéressants avec les autres trames. Un des défis du plan narratif, ce sera de bien doser la présentation de chaque trame, afin de chercher un équilibre, mais aussi de faire concorder, d'une trame à l'autre, les événements qui se répondent, de manière à maximiser l'effet dramatique.

Mais bon, une chose à la fois.

6/17/2015

Fragilité

Je suis confronté, ces temps-ci, à l'extrême fragilité de l'être humain.

Il y a, bien sûr, le décès de Joël Champetier, survenu il y a quelques semaines, après un long combat contre la leucémie. Son départ, bien que prévisible, a bouleversé toute la communauté de la SFFQ, moi y compris. Même si je ne peux pas dire que j'étais proche de Joël, je le connaissais suffisament pour savoir que c'était un homme remarquable.

Plus près de moi, vendredi dernier, ma copine a fait un AVC alors qu'elle était au travail. Ses collègues ont eu le bon réflexe et ont immédiatement appelé une ambulance. Le temps que j'arrive à l'hôpital, ma copine avait déjà reçu un traitement visant à dissoudre le caillot de sang qui s'était logé dans son cerveau. Grâce à ces soins rapides et efficaces, elle n'aura pas de séquelles. Elle a été hospitalisée jusqu'à mardi soir, d'abord pour que l'anticoagulant cesse de faire effet, puis pour mener une série de tests afin de déterminer l'origine de l'incident. Faire un AVC à 28 ans, sans antécédents personnels ou familiaux, ce n'est pas vraiment commun. Le suspect principal, pour le moment, est son contraceptif oestroprogestatif, qui est reconnu pour augmenter le risque de thrombose artérielle.

Elle va bien, maintenant. Elle a été chanceuse. Son AVC, qui lui a temporairement fait perdre l'usage de son bras et de sa jambe gauche, aurait pu survenir à un bien pire moment (alors qu'elle était au volant de sa voiture, par exemple). Elle aurait aussi pu arriver trop tard à l'hôpital et garder des séquelles (perte de force, de motricité, de sensation, etc).

Ça tient à bien peu de choses, la santé.

6/10/2015

Les notes de sang


Londres, 1850. Hawthorne Lambton, horloger, inventeur génial et secrètement chef de la Confrérie des Freux (une organisation criminelle très puissante) convoite un violon magique que possède Yoshka Sinta, un tsigane. Ce dernier, accompagné de sa fille Toszkána, cherche à détruire le violon, source d’une malédiction ancestrale qui entraîne la mort des femmes de son clan dès qu’elles atteignent leur vingtième anniversaire. Lambton veut utiliser l’instrument de musique pour guérir son fils gravement malade, mais aussi pour étendre le pouvoir de sa Confrérie. L’horloger envoie donc un de ses sbires pour subtiliser le violon. Cependant, l’opération tourne mal : Yoshka est assassiné et le violon est perdu. Lambton manigance donc pour récupérer l’objet, tandis que Toszkána tente de se libérer d’une maison close où elle s’est retrouvée à la suite à la mort de son père.

Voilà un résumé, plutôt incomplet, j’en conviens, du roman de Corinne de Vailly. J’ai été contraint de tourner des coins ronds dans mon résumé, puisque Les notes de sang fourmille de sous-intrigues entrelacées (ce qui est une bonne chose), et qu’un résumé exhaustif de chacune d’entre elles aurait débordé de l’espace qui m’est alloué pour cette critique.

L’auteure met en place avec brio une atmosphère typiquement steampunk. Tous les éléments y sont : le brouillard, les improbables machines à vapeur, la misère rampante qui découle d’un capitalisme naissant et sauvage… C’est très réussi. Je dois admettre, cependant, avoir une réserve quant à l’aspect magique que prend le récit quand il traite du violon. Ce n’est pas tant que la dimension mystique ne cadre pas avec l’imaginaire steampunk (qui se rattache davantage à la science-fiction, et donc au matériel, à la technologie), mais plutôt que j’ai l’impression que la confrontation des deux domaines (science contre magie) n’est pas suffisamment exploitée. Par exemple, Lambton fabrique un automate (majoritairement composé d’os humains, rien de moins!) pour jouer du violon, et… Ça n’aboutit pas à grand-chose. L’idée est excellente, mais le récit ne fait que la présenter, sans en explorer les conséquences narratives et littéraires. J’ai l’impression qu’il y a là des occasions manquées.

Cela dit, le roman présente des personnages intéressants et très bien construits. Lambton, par exemple, oscille entre la figure du scientifique fou assoiffé de pouvoir et celle d’un père véritablement inquiet de la santé de sa progéniture. Il veut donc s’approprier les pouvoirs magiques du violon pour sauver son fils, mais aussi pour étendre l’empire de sa Confrérie. D’autres personnages, comme Toszkána, sont un peu plus unidimensionnels, mais tout de même bien esquissés, et se comportent généralement de manière crédible et cohérente.

L’écriture dans le roman est globalement très compétente, avec un vocabulaire riche et varié, ainsi qu’une syntaxe impeccable. Le seul point qui m’a un peu agacé, c’est la focalisation très laxiste, qui passe allègrement d’un personnage à un autre à l’intérieur d’une même scène. Je suis plutôt un partisan d’une focalisation plus rigide, qui, à mon sens, donne une narration plus resserrée et cohérente. Mais bon, on ne peut pas tout avoir, semble-t-il.

Les notes de sang est un roman intéressant, très bien construit, même s’il ne me semble pas explorer toute la richesse de son potentiel.


Critique parue dans Brins d'éternité 41.

5/27/2015

Écriture (I)

J'en suis toujours à plancher sur le plan de mon roman, et j'ai bien l'impression que ça progresse. J'ai décidé (découvert?) que j'aurais trois narrateurs plutôt qu'un seul. Disons que ça change vraiment beaucoup l'image mentale que je me faisais de la structure narrative du récit! J'effectue actuellement une deuxième passe sur les résumés de l'implication dans le récit pour chaque personnage. Certains passages que j'avais laissés flous se dévoilent plus facilement maintenant que j'ai une meilleure vision d'ensemble. C'est comme faire un casse-tête dont les pièces sont cachées un peu partout. C'est un peu frustrant de réaliser que les pièces qu'on a ne se connectent pas, et qu'il faut continuer de fouiller. Mais bon, tsé.

Sinon, un peu de pub: La maison des viscères a publié sur son site un long extrait de ma novella de SF-horreur Le contraste de l'éternité. Si vous êtes curieux, gâtez-vous!

5/20/2015

Réflexion sur (et par) le plan

Donc depuis un peu plus de deux semaines, je travaille sur le plan de ce qui devrait, éventuellement, finir par former quelque chose ressemblant vaguement à un roman. J'en suis actuellement à établir des fiches de personnage.

J'ai toujours été un peu rebuté par la perspective de faire ce genre de fiche, qui me semble enfermer le personnage dans un espace très restreint, délimité par des rubriques génériques et impersonnelles. C'est un peu pourquoi j'ai décidé, en m'inspirant de la méthode Snowflake (encore) de me pencher davantage sur l'évolution du personnage dans l'histoire, d'aller chercher la dimension dynamique de son implication plutôt qu'un portrait statique. C'est pas mal plus intéressant. Par exemple, essayer de définir les motivations d'un personnage (et les obstacles qui se dressent sur sa route) me donne souvent des idées de retournement à ajouter à l'histoire.

Je réalise aussi que c'est ce genre d'approche du plan qui fonctionne mieux pour moi: profiter de cette activité pour m'interroger (sur mes personnages, sur mon histoire, sur les concepts SF ou fantastiques que j'introduis), plutôt que de simplement chercher à documenter la structure du récit. Pour le moment, les informations concernant le récit ne sont pas cohérentes d'une fiche à l'autre, et ça ne me dérange pas: je ne cherche pas à produire un ensemble de documents directement utilisables pour l'écriture, mais à délimiter les contours de la fiction que je m'apprête à créer. Je vais probablement devoir revenir sur les fiches pour enlever ce qui n'est plus bon, mais pour l'instant, je préfère conserver le peu d'élan créatif que j'ai.

Un autre truc qui s'est un peu imposé naturellement dans cette démarche, c'est un document dans lequel je liste toutes les questions auxquelles je dois être en mesure de répondre avant de commencer l'écriture. Dès qu'un élément du récit ne me semble pas clair, j'ajoute une question à la liste. J'en ai une quinzaine pour le moment, et ça me permet de garder une trace de certaines failles potentielles de mon futur récit. Je compte aussi utiliser cette liste comme un indicateur de la maturité de mon plan: tant que je n'ai pas de réponse satisfaisante à toutes ces questions, c'est qu'il me manque des pièces.

5/13/2015

Post-Boréal

La semaine suivant le Congrès Boréal est toujours un peu plus difficile. Celle-ci fait presque exception.

J'étais complètement vidé dimanche soir et lundi en journée, mais depuis, je m'en tire pas mal. J'ai recommencé à travailler sur les soumissions de Brins d'éternité, j'ai presque terminé la préparation des enveloppes pour le numéro 41, et je me suis remis à mon plan de roman (que j'avais commencé la semaine passée. Plus de détail là-dessus bientôt). Donc, globalement: yé.

J'aimerais aussi profiter de ce court billet pour féliciter les lauréats des prix Aurora-Boréal:

Meilleur roman: Élisabeth Vonarburg: Hôtel Olympia (Alire)
Meilleure nouvelle: Joël Champetier: « Pour son œil seulement » (Solaris 192)
Meilleur ouvrage connexe: Solaris: Revue, ed. Joël Champetier
Création artistique audiovisuelle: Émilie Léger (Couvertures, 6, chalet des brumes (Les Six Brumes); Dix ans d’éternité (Les Six Brumes); Petits démons (Les Six Brumes), etc.)
Fanédition: Clair/Obscur: (fanzine) – www.revueclairobscur.ca

5/06/2015

Congrès Boréal

Le congrès Boréal commence ce vendredi, et durera toute la fin de semaine. Chaque année, c'est une excellente occasion d'aller jaser avec les bonnes gens du milieu de la SFFQ.

J'y serai, à partir du vendredi soir (18h30 - 3492 avenue Laval, Montréal), pour la soirée d'ouverture, qui sera aussi le cadre d'un lancement double : Brins d'éternité 41 et Bizarro. Une belle soirée en perspective :)

4/15/2015

Fin de session

Je suis en pleine période d'examens, je me permettrai donc d'être bref (et de m'absenter de ce blog la semaine prochaine. Je sais, ce sera terrible, mais soyez forts, vous passerez au travers).

Il est encore temps de voter pour les nominations des prix Aurora-Boréal. Je ne vous dirai pas pour qui voter. (Pas de "mais...". Vous n'avez qu'à consulter la liste d'éligibilité et vous faire votre propre idée.) Vous avez jusqu'au 20 avril!

4/08/2015

Méandres - Fragments interactifs


J'en parle depuis un bout, mais finalement, voilà: je vous présente ma petite fiction interactive, Méandres, qui se veut un complément à ma novella Le contraste de l'éternité (que vous pouvez lire dans le collectif Bizarro, paru à La Maison des viscères).

(De quécé, une "fiction interactive"? Allez faire un tour sur Wikipédia, où on explique toute la patente. Je vous attends.)

Deux façons de jouer:

1) En ligne : Très simple, vous n'avez qu'à cliquer ici. Ce n'est pas plus compliqué que ça!

2) Télécharger le fichier et l'ouvrir avec un interpréteur : Un peu plus long, mais pas vraiment plus complexe. D'abord, l'interpréteur. Je vous suggère Gargoyle (utilisé pour réaliser la capture d'écran, ci-haut), qui est disponible pour Windows, Mac et Linux. Ensuite, vous devez télécharger le fichier de Méandres. Il suffit ensuite d'ouvrir le fichier avec l'interpréteur, et le tour est joué!

Pour les curieux, le code source est aussi disponible ici, en format txt. (AJOUT: J'ai remarqué que sous Windows, Notepad en fait un wall of text plutôt indigeste. Je vous suggère donc d'utiliser quelque chose de moins primitif, comme Notepad++)

Comme je le disais plus haut, Méandres est un complément à ma novella Le contraste de l'éternité. Plus spécifiquement, la fiction interactive sert à la fois de prologue et d'épilogue au texte (ça fait bizarre dit de même, mais lisez, jouez, on s'en reparlera après). Pas besoin d'avoir lu la novella (même si je vous encourage à le faire, hein) pour essayer Méandres, donc.

Méandres a été développé avec Inform7 (version 6G60).

3/25/2015

Le contraste de l'éternité - Genèse

J'ai une semaine un peu occupée. J'irai faire un tour samedi au Salon du livre de Trois-Rivières, et j'essaie d'avancer dans mes autres obligations pour me libérer cette journée. Je risque de rôder, samedi, près du kiosque des Six Brumes, si vous voulez jaser de Bizarro, dont la prévente est toujours en cours.

D'ici là, j'aimerais prendre quelques instants pour vous parler du parcours de ma novella Le contraste de l'éternité, qui m'accompagne depuis un petit moment. Ne vous inquiétez pas, aucun spoiler ici.

J'ai commencé à l'écrire en novembre 2009, dans le but d'en faire une courte nouvelle. À l'époque, j'étais en pleine rédaction de mon mémoire en création littéraire, dans le cadre duquel je préparais un recueil de nouvelles alternant entre la science-fiction et la littérature réaliste. En début décembre, j'avais un texte d'une vingtaine de pages, mais je n'en étais pas satisfait. Le ton n'y était pas, c'était confus, incomplet (je m'étais un peu forcé à terminer la patente même si je sentais que ça ne marchait pas). Je l'ai donc écartée et me suis concentré sur d'autres idées de nouvelles, qui cadraient davantage avec le style de mon mémoire (qui est d'ailleurs disponible en ligne, en format PDF, pour les curieux).

Ce qui est intéressant, c'est que presque tous les éléments importants de la version finale de ma novella se trouvaient déjà dans cet embryon. Le titre, d'abord (qui est une référence à Paul Ricoeur), mais aussi le concept des automates (concept qui est aussi utilisé dans d'autres textes de mon mémoire, et que je compte bien explorer encore dans des histoires à venir) et d'un contrôleur, l'oeuf, l'artefact qu'il contient, les dédoublements, le temps fréquentiel, la fragmentation narrative causée par une explosion... Même la thématique générale y était, celle de la déchéance, de la corruption, de la perte de soi. C'est plus développé, évidemment, dans la novella, mais c'était quand même là dès le début, dans la nouvelle.

En janvier 2012, motivé par la récente parution d'Agonies, le premier collectif de La Maison des viscères, je suis revenu au texte, après avoir proposé le projet aux éditeurs, en leur présentant ça comme de la SF-horreur "un peu à la Event Horizon, mais avec des twists temporels et narratifs".

J'ai relu la nouvelle écrite deux ans plus tôt. Verdict: on efface tout et on recommence. Six mois plus tard, j'avais une novella d'un peu moins de 20 000 mots. Beaucoup de modifications par rapport à la version originale, outre la longueur: changement de narrateur, ajout de deux personnages (Léonie et Ada), une histoire cohérente (ou enfin, pas mal plus). C'est cette version que j'ai proposée à La Maison des viscères. La novella a été acceptée, si je me souviens bien, au moment du lancement d'Exodes (le deuxième collectif de la maison, fin novembre 2012).

Avant de commencer la direction littéraire, j'ai effectué une réécriture majeure du texte, y ajoutant presque 10 000 mots. Je me souviens surtout d'une modification importante apportée par cette réécriture, à part un remaniement complet de l'ordre des scènes: l'ajout du concept des nanomorphes, développé avec Ariane Gélinas dans la nouvelle L'ascendance des sélènes (parue dans un numéro de Clair/Obscur, puis dans son recueil Le sabbat des éphémères). J'ai beaucoup retravaillé le texte par la suite, évidemment, mais je considère quand même qu'à partir de ce moment-là, la novella était "feature-complete", comme on dit en bon français.

Voilà donc pour cette courte histoire d'une histoire.

3/18/2015

Prochain projet

Je travaille depuis un bon moment sur une fiction interactive (j'en ai parlé ici à plusieurs reprises), qui sert de complément à ma novella Le contraste de l'éternité (Bizarro, La Maison des viscères). En fait, je travaillais là-dessus, parce que c'est pas mal terminé. J'en suis aux dernières corrections, je devrais bientôt être en mesure de mettre une première version en ligne.

Ayant pas mal bouclé ce projet, ça me libère un peu de temps et d'espace mental pour travailler sur le plan de projet de roman fantastique (appelons-le provisoirement PRF). Je repars d'un projet de longue nouvelle qui n'avait pas vraiment abouti, et que je veux développer davantage. J'ai déjà des idées pour amener cette histoire dans une autre direction, ce que je trouve encourageant: ça s'enligne pour être davantage de l'écriture qu'une simple réécriture. J'ai très hâte d'avoir le temps de m'y consacrer!

3/11/2015

Quoi de neuf

Plutôt fatigué, ces temps-ci. Vivement le printemps (puis l'été, hein).

Le sommaire du prochain Brins d'éternité est complet. Son contenu sera dévoilé sous peu, avec l'illustration de couverture!

Côté projets personnels, la sortie du collectif Bizarro (chez La maison des viscères), dans lequel je ferai paraître la novella de SF-horreur Le contraste de l'éternité, est imminente. La prévente vient d'ailleurs de commencer. J'ai vraiment très hâte de lire les textes de Dave Côté et Éric Gauthier, avec qui je partage ce sommaire.

Je n'ai pas d'autres publications de prévues dans un avenir proche: pour ça, il faudrait que je recommence à utiliser FocusWriter de façon plus assidue, ce que je devrais être en mesure de faire dès mai prochain. Vive le printemps, comme je disais...

3/04/2015

Cobayes - Sarah et Sid, par Eve Patenaude


Sarah est une danseuse de ballet qui n’a pas réussi à percer et qui s’est recyclée comme danseuse érotique. De jour, Sid (diminutif de Simon-David) est un serveur dans un bistro branché; de nuit, il devient un hacker combattant les injustices sociales, tentant de racheter sa conscience, alourdie par la mort de son meilleur ami. Sid flirte avec Sarah, parvient à la convaincre de quitter son milieu de travail malsain. Mais le patron de la danseuse refuse de la laisser partir et lui extorque une somme d’argent considérable. Désespérés, les deux amoureux décident de participer conjointement à une étude clinique d’AlphaLab, et d’utiliser la compensation financière pour payer le patron de Sarah. Mais leur plan déraille lorsque les effets de la drogue expérimentale se font sentir, et qu’une insatiable envie de tuer s’empare des deux cobayes...

Coyabes – Sarah et Sid est un roman bien écrit et bien construit. La narration alterne constamment entre les deux personnages : un chapitre est focalisé sur Sarah, l’autre sur Sid, et ainsi de suite. L’auteur se permet aussi quelques libertés par rapport à sa structure, avec des articles de journaux, des rapports d’expérience et quelques scènes très distantes de techniciens informatiques anonymes. Dans l’ensemble, c’est très solide.

Les personnages sont bien campés et introduits avec brio, sauf peut-être pour la double occupation de Sid. Il est d’abord présenté comme un serveur très charismatique, puis, le chapitre suivant, comme un geek pratiquement antisocial; même si le roman parvient à allier les deux facettes de la personnalité de Sid (et même à y puiser une certaine richesse littéraire), la présentation de cette dualité est un peu brutale.

D’ailleurs, petit bémol : les descriptions de l’univers informatique de Sid semblent directement tirées de films hollywoodiens, avec la naïveté et les raccourcis navrants que cela implique. Dans un film, qui repose principalement sur la dimension visuelle du matériau narratif, il est compréhensible que le récit désire représenter graphiquement ce qui se produit sur un ordinateur. Ainsi, si un hacker se voit interdire l’accès à un serveur protégé, l’écran affichera quelque chose comme un gros « X » rouge, avec un « Accès refusé » en lettres clignotantes. C’est très clair. Mais dans un roman, ce genre de procédé n’est ni nécessaire ni désirable. En effet, l’auteur dispose d’outils narratifs plus fins et plus efficaces (dans le contexte d’un récit littéraire) pour traduire les péripéties informatiques de ses personnages. Vous direz que ça prend bien un littéraire-informaticien pour soulever ce genre de détail, et vous aurez raison.

Dans l’ensemble, le roman fonctionne très bien du côté de la progression dramatique. L’évolution de la relation entre Sarah et Sid semble naturelle : elle guide le récit plutôt que d’être à sa remorque. Cela permet un déroulement très fluide et crédible des événements qui mène au malheur des protagonistes. J’ai trouvé que le récit devient particulièrement intéressant lorsque le lecteur comprend que Sid est beaucoup moins réceptif que sa copine aux effets de la drogue expérimentale : ça permet une dynamique dramatique vraiment très efficace et puissante. Cependant, le roman prend ensuite une autre direction, et m’a paru faire du surplace jusqu’à la scène finale, qui, bien qu’intéressante, n’exploite pas tout son potentiel horrifique.

Il m’a semblé que le roman de Patenaude cherchait moins à insérer des détails intertextuels que celui de Addison. Peut-être, aussi, était-ce que ces détails étaient plus habillement cousus au récit.

J’ai aussi apprécié que ce roman fasse légèrement avancer l’intrigue générale de la série, en donnant quelques indices sur la réelle mission d’AlphaLab. J’espère vivement que les autres romans trouveront un moyen d’ajouter d’autres pièces au puzzle, sans tomber dans la redite.

Cobayes – Sarah et Sid est un roman dramatique très réussi. Malgré quelques scènes graphiques et intenses, je n’irais cependant pas jusqu’à le classer comme un roman d’horreur. Ça n’enlève rien, cependant, à sa qualité générale.


Critique parue dans Brins d'éternité 40

2/25/2015

Cobayes – Anita, par Marilou Addison


Cobayes est une série de sept romans écrits par autant d’auteurs différents. Les personnages de chaque livre participent à la même étude clinique, avec, pour chacun, des effets secondaires différents.

Anita est obsédée par son poids. Fervente boulimique, elle multiplie les astuces pour perdre les quelques livres qui la séparent de son objectif, malgré l’inquiétude de sa famille et de Manu, son copain. Alors qu’elle lui promet de consulter un psychologue pour gérer son trouble de comportement alimentaire, elle décide plutôt de participer à une mystérieuse étude clinique de la compagnie AlphaLab, puisqu’un des effets secondaires possibles est une perte de poids. Les injections qu’elle reçoit ne modifient pas sa taille, mais affectent radicalement sa personnalité et son comportement. Chaque inoculation la rend plus agressive, mais aussi plus affamée...

Avant de parler du roman de Marilou Addison, quelques mots sur la série. D’abord, si le concept général, à savoir sept romans qui partagent la même chronologie et dont les personnages se croisent, me paraît intrigant, je ne suis pas encore convaincu de la richesse de l’effet littéraire qui en résulte. Évidemment, peut-être que ça deviendra plus intéressant après quelques livres, lorsque je pourrai commencer à comprendre ce que signifient les clins d’œil et les allusions qui traversent le roman. Mais pour l’instant, j’ai l’impression qu’on me raconte des anecdotes plutôt impertinentes à propos de personnes que je ne connais pas. Et j’avoue être vaguement inquiet de la façon dont les auteurs vont boucler la boucle, au final. En effet, on peut lire, dans les dernières pages du roman, qu’un chapitre final sera disponible sur le site de l’éditeur après la parution du septième et dernier tome de la série. C’est très bien, très original, mais... Un chapitre, c’est bien peu, pour conclure sept romans. Mais bon, on verra, comme dit le mari de l’autre.

Cela dit, comme les romans de Cobayes sont faits pour être appréciés indépendamment, le reste de ma critique ne portera plus sur la dimension intertextuelle de la série.

Marilou Addison livre avec Anita un roman gore (mais pas trop... ou pas assez?) qui suit la descente aux enfers du personnage éponyme, alors que les effets de la drogue qu’elle reçoit d’AlphaLab la poussent dans des situations extrêmes. Le concept est intéressant, le contraste entre Anita au début du récit et ce qu’elle devient à la fin est saisissant, mais j’ai senti, en fermant le livre, que forcément, quelque part, des occasions avaient été manquées. Oui, il y a des meurtres, du sang à profusion, du cannibalisme même, mais... Il manque un petit quelque chose pour que ça devienne véritablement de l’horreur, pour que le récit d’Anita prenne une dimension un peu plus dramatique. À mon avis, un des problèmes du roman est que le personnage n’est jamais (pas une seule fois!) confronté aux conséquences de ses actes. Anita commet ses meurtres lors d’épisodes psychotiques dont elle ne conserve aucun souvenir. Elle n’a pas conscience de la sinistre provenance de la viande qu’elle consomme à la fin du récit. Quand la situation d’Anita atteint un paroxysme et que les événements deviennent vraiment intenses, le récit se termine sur l’effondrement mental de la protagoniste. On dirait que plutôt que d’essayer de représenter l’horreur de la situation de manière évocatrice, le roman jette l’éponge exactement au moment où l’histoire devenait intéressante. C’est plutôt frustrant.

Sinon, les quelques passages de violence et de gore sont globalement bien conçus et bien rendus, même s’il y a quelques ratés en raison d’un vocabulaire approximatif. Par exemple, l’utilisation du terme « gorgoton » lors d’un épisode de dévoration phallique confère une dimension absurde, voire comique, à une scène se voulant sérieuse et dramatique. Ça ne fonctionne pas, mais pas du tout.

Cela m’amène à parler de la plume de l’auteure, qui se caractérise par un ton juvénile et une surenchère de la ponctuation (« ?!? »), ce qui provoque un effet de dissonance par rapport au sujet résolument sombre du roman. Disons simplement que c’est un choix esthétique qui me semble peu judicieux.

C’est dans la description de l’évolution de l’état mental d’Anita que le roman réussit le mieux. Fait intéressant, le personnage est antipathique, mesquin et menteur dès le début de l’histoire : ce n’est pas l’effet secondaire de quelque produit chimique qui la rend désagréable, c’est sa véritable personnalité. Le roman établit cela très tôt et de manière tout à fait crédible. Par la suite, les déboires d’Anita la rendent un peu plus sympathique, par la dimension pathétique de son histoire.

Au final, Anita est un roman qui, bien qu’intéressant, comporte de sérieux défauts et ne me semble pas exploiter son plein potentiel.


Critique parue dans Brins d'éternité 40

2/18/2015

Clair/Obscur #12 - Spécial Gore (2014)

Le douzième numéro de la revue Clair/Obscur amène beaucoup de changements : remaniement complet de l’équipe éditoriale, pour commencer. François-Bernard Tremblay, le fondateur, lègue le projet à Anne-Marie Bouthillier, qui a su s’entourer d’une bonne brochette de collaborateurs.

Modification importante au niveau de la ligne éditoriale de la revue, aussi : C/O délaisse le noir et le policier pour se spécialiser dans l’horreur. C’est un peu dommage, du fait qu’il n’y a plus de pendant à Alibis pour la relève québécoise. Cela dit, je ne blâme pas la nouvelle équipe : c’est clairement l’horreur qui les intéresse. Leur enthousiasme est manifeste, et il se dégage une belle énergie de leur premier numéro.

Autre fait notable : il s’agit d’un très gros numéro, atteignant les 100 pages. Pour comparaison, le précédent en comptait 61. C’est donc une offrande très généreuse que nous proposent Anne-Marie Bouthillier et son équipe.


Après l’éditorial (qui est dans une police différente du reste de la revue, et qui s’avère pour cette raison un peu difficile à lire), on a droit à une « Ligne du temps sanglante », qui présente des faits gores historiques et culturels à travers les âges. C’est très intéressant, mais il me semble que le concept manque un peu de direction. Par exemple, on passe de 105 avant J.-C. à 1792. Vraiment? Il n’y a rien qui soit digne de mention entre ces deux dates? Le concept serait, à mon sens, plus intéressant comme chronique récurrente, présentant chaque fois une ligne du temps plus petite, mais aussi plus complète et fouillée. Une ligne du temps sanglante de l’Antiquité, des Loups-garou, du Nouveau-Monde, etc.

On passe ensuite à un intéressant Top 5 des romans québécois les plus sanglants. Puis à un très long (mais excellent) essai de Pierre-Alexandre Bonin sur l’horreur dans la littérature jeunesse. La seule critique que j’aurais à faire, c’est que l’essai n’est pas présenté comme tel. Il serait intéressant d’avoir un repère visuel plus fort pour distinguer les nouvelles des articles. L’équipe éditoriale a décidé de ne pas suivre la formule « fictions d’abord, articles et essais ensuite »; c’est bien, c’est différent, c’est intéressant. Mais ça demande un effort de mise en page supplémentaire, pour faciliter la lecture.

L’essai est suivi d’un (trop?) court vox-pop sur la place de l’horreur dans la littérature jeunesse. C’est très pertinent, les auteurs interrogés apportent des réponses compétentes et variées. Mais il n’est pas clair à qui on doit attribuer la préparation du vox-pop.

Puis vient la section des fictions, qui s’ouvre avec ma nouvelle préférée du numéro, Machette Party, de Frédéric Raymond. Le texte raconte l’histoire de quatre gars qui s’organisent une petite soirée de film d’horreur. Un des personnages développe une fascination malsaine à propos d'une machette nouvellement acquise par le narrateur. La suite, bien que prévisible, est tout à fait festive, comme le promettait le titre. J’ai apprécié les références aux films d’horreur et le concept fantastique simple, mais efficace, qui sous-tend la nouvelle.

Les fictions se poursuivent avec « Izoloirs » de Alfred Bacon. Je vais avouer dès maintenant que je n’ai pas vraiment embarqué dans ce récit qui se veut déconstruit et novateur, mais qui s’avère plutôt éparpillé et quelque peu longuet. La nouvelle suit d’abord un groupe de jeunes dans un bar de danseuses. Puis on a droit à un flash-back (réussi. C’est le meilleur passage du texte, à mon avis) où on apprend qu’un de ces jeunes hommes possède une sorte de pouvoir qu'on pourrait décrire comme du sadisme psychique et qui se déclenche dès qu’il voit un sexe féminin. Le récit saute ensuite à scène de soft porn entre un client inconnu et une danseuse extra-terrestre. Pourquoi? Parce que, voilà pourquoi. Finalement, la nouvelle se termine dans un autre isoloir, avec le meurtre d’une autre danseuse par l’homme du flash-back. Même si le texte présente des éléments intéressants, il n’y a rien qui permet de les unifier dans un tout cohérent. À part une vague thématique sexuelle et le fait que la majorité des récits se produisent dans le même lieu. Ce n’est pas assez.

Michel Gingras propose « La chasse », une nouvelle d’horreur extrêmement classique, limite clichée, mais correctement construite. Deux gars vont dans un bar pour y faire « la chasse aux femmes ». Dans un retournement parfaitement prévisible, les chasseurs deviendront chassés. Ce qui rachète la nouvelle, selon moi, c’est les personnalités vraiment « jambon » des protagonistes, qui se croient vraiment irrésistibles alors qu’ils sont plutôt risibles avec leur attitude vaguement macho.

L’honneur de clore la section des fictions revient à Keven Girard, avec « Disséquer au besoin », une nouvelle bien écrite, mais qui repose malheureusement sur une chute vraiment décevante. Le genre de chute qui remet tout le reste du récit en perspective. Le problème avec ce genre de procédé, c’est que comme la nouvelle doit garder l’information de la chute secrète jusqu’à la fin, ça donne une narration inutilement alambiquée et floue, qui ne se donne pas suffisamment de liberté pour développer un personnage principal crédible, ou un récit cohérent, ou une intrigue qui attise l’intérêt. Je crois tout de même que l’auteur a un réel potentiel pour l’horreur, et j’espère qu’il en commettra à nouveau.

Le reste du numéro est majoritairement composé de plusieurs courts articles. Outre les critiques de livres, on trouve « Dans la bibliothèque de Frédérick Durand » (un entretien réalisé par Martine Vignola), « Horrovision » (une chronique de Jonathan Reynolds qui nous présente l’œuvre cinématographique du réalisateur Ti West), « Arts visuels » (une chronique d’Émilie Léger, sur H.R. Giger), une présentation du groupe québécois Jardin Mécanique (par Éric Richard) et une chronique jeux vidéos sur la mécanique du démembrement dans Dead Space (par Guillaume Couture). Quand je parlais d’offrande généreuse, plus haut…

Le numéro se termine sur une courte BD de trois pages, par Simon Morin, qui semble être le début d’une série portant sur les mythes urbains. J’ai vraiment aimé, j’espère que les prochaines seront du même calibre.

Voilà donc pour ce numéro de Clair/Obscur, nouvelle mouture. Je souhaite beaucoup de succès à la jeune équipe, et longue vie à l’horreur québécoise!


Critique parue dans Brins d'éternité 40

2/11/2015

Faire revivre des textes de la SFFQ (avec Linux!)

On trouve, au sommaire du dernier numéro de Brins d'éternité, une réédition de l'excellente nouvelle Cheveux à l'huile d'Esther Rochon. Je suis vraiment content qu'on puisse donner un second souffle à des textes de qualité comme celui-là, surtout que le processus éditorial qui nous a permis de publier cette nouvelle a été inhabituellement geek. Je vous explique.

Brins d'éternité n'accepte que des soumissions numériques. La sélection, la direction littéraire, la correction, tout se fait directement sur ordinateur. Quand vient le temps de faire le montage, c'est une question de copier le texte d'une fenêtre à une autre. Bon, j'ai l'air de dénigrer la job du montage graphique, mais vraiment pas. C'est juste que, bon, avoir le texte numérisé, c'est, disons, un acquis, à cette étape.

Or, voilà, dans le cas de la nouvelle d'Esther, il n'y avait pas de numérique, l'auteure n'ayant pas conservé le fichier. Et comme on parle d'un texte vieux de plus de 15 ans, ça aurait peut-être été la galère à ouvrir de toute façon.

Tout n'était pas perdu, cependant: la nouvelle avait déjà été publiée dans imagine... 80, et Ariane avait accès à un exemplaire de ce numéro.

La nouvelle faisait dix pages. La retaper à la mitaine aurait été une tâche pénible, ardue, et aurait été une source d'erreur beaucoup trop grande. J'ai donc décidé de donner une chance à la reconnaissance optique de caractères (ou optical character recognition : OCR). Après un peu de recherche, je suis tombé sur tesseract, et j'ai été agréablement surpris par l'efficacité du machin. Avec un scan de la meilleure qualité possible (1200 dpi pour mon numériseur), le produit final présentait peu d'imperfections. La plupart des scories étaient en fait explicables par des taches sur le papier de la revue, en fait. Bon, il y avait bien quelques passages où tesseract se plantait solide, et sans raison apparente, mais sinon? Vraiment superbe.

Si l'OCR m'a sauvé des efforts et de la frustration, cela dit, je ne sais pas à quel point ça m'a sauvé du temps. Pour 10 pages, ça m'a pris une bonne heure et demie, si ce n'est pas deux heures. Le temps de bien placer la revue dans le numériseur, de laisser le scan prendre quelques millénaires, puis de se rendre compte qu'un coin est un peu smudgé parce qu'on a bougé légèrement pendant le processus, recommencer... Vous voyez le genre. De plus, il a fallu faire plusieurs relectures très attentives du texte, pour s'assurer qu'il ne restait pas de coquilles (ça aurait probablement été la même chose si quelqu'un avait du retaper le texte, j'imagine, mais bon).

Donc, ouais, c'était bien comme expérience, mais pas trop souvent. Gardez précieusement vos fichiers de textes littéraires, les amis. Pensez à ces pauvres futurs éditeurs et faites des backups.

2/04/2015

Dans les enveloppes

C'est pas mal la même histoire après chaque lancement: j'en ai pour quelques jours à gérer les envois des exemplaires. Si mon horaire me le permettait, je ferais tout ça d'un coup, mais bon, ce n'est pas le cas, alors c'est un peu chaque soir.

Le gros du travail est fait. Si tout va bien, ça devrait être envoyé d'ici la fin de la semaine.

1/28/2015

Rappel - Lancement double samedi

Un petit rappel: c'est ce samedi qu'aura lieu le lancement de Brins d'éternité 40 et de Clair/Obscur 13, au troisième étage de L'amère à boire, à partir de 17h !

D'ici là, un petit aperçu de notre nouveauté...

1/21/2015

Afflicted (2013) - Les vampires sans le pire


Deux amis, Derek et Cliff, partent en voyage autour du monde, même si (ou encore puisque) Derek a anévrisme cérébral qui pourrait se rompre à tout instant. À Paris, Derek rencontre une femme dans un bar. Au cours de la soirée, elle le mord avant de s'enfuir. Les deux jeunes hommes poursuivent tout de même leur périple en Italie, où Derek commence à présenter des symptômes inquiétants, comme une incapacité de se nourrir et une sensibilité extrême à la lumière, ou encore proprement surprenants, comme une force et une vitesse surhumaines. Les deux hommes cherchent ensuite à documenter les limites des nouveaux pouvoirs de Derek avec des caméras personnelles.

J'aime bien, en général, les films de type "found footage". Les films de vampires, un peu moins. Il me semble que la plupart des histoires qui tournent autour de cette créature ramènent les mêmes points (bouhou, je dois boire du sang mais je veux pas parce que c'est pas fin; pourquoi moi, je ne mérite pas ça, *snif-snif-braille-braille* ; oh je suis immortel, la grosse affaire; gnagnagna...), et, ben, ça me gosse. Afflicted ne fait pas exception, mais présente tout de même quelques variations qui rendent le film regardable. Je dirais que la principale force du film réside dans ses prises de vue subjectives (comme par hasard, une caméra est attachée à Derek une bonne partie du film), ce qui permet au spectateur de se mettre dans la peau du vampire quand il exécute des pirouettes incroyables.

De plus, comme le film prend beaucoup de soin à développer les personnages de Derek et de Cliff (mais dans une moindre mesure), la communion entre le spectateur et le personnage s'opère aussi à un niveau émotionel, psychologique. J'ai lu plusieurs critiques se plaignant du fait que le film prenait trop de temps avant de "démarrer"; je trouve, au contraire, que c'est une des choses que le film fait correctement.

Au final, Afflicted est une oeuvre sympathique, mais qui s'avère plutôt oubliable.

1/14/2015

Lancement double!

On aime ça, les lancements doubles, à Brins d'éternité.

Ce coup-ci, ce sera avec la gang de la revue Clair/Obscur, le 31 janvier prochain, au 3e étage de l'Amère à boire, à partir de 17h.

1/07/2015

2015, déjà

Nous voilà en 2015 (depuis une semaine, je sais, je sais). La majeure partie de 2014 a pas mal ressemblé, pour moi, à une course effrénée. J'ai déjà pris quelques mesures pour que je puisse être plus productif, mais aussi plus reposé, cette année.

Si tout va bien, je devrais avoir un horaire assez flexible cet été. Suffisamment, en tout cas, pour m'adonner plus sérieusement à l'écriture d'un roman. Mon objectif, d'ici là, c'est de construire un plan pour me guider dans cette tâche. Je ne sais pas trop par où commencer, pour être franc. Je veux résumer mon intrigue, puis la séparer en scènes, mais aussi définir mes personnages (personnalité, caractéristiques, passé, etc) ainsi que mes concepts fantastique (ouais, spoilers, ça s'enligne pour être du fantastique)...

En ce moment, je suis plutôt occupé à terminer d'autres projets, d'écriture ou de direction littéraire. Dès que ça se calme de ce côté là, je pourrai commencer à échafauder les grandes lignes du plan.

Et vous, vos projets pour 2015, ça ressemble à quoi?