Cobayes - Sarah et Sid, par Eve Patenaude
Sarah est une danseuse de ballet qui n’a pas réussi à percer et qui s’est recyclée comme danseuse érotique. De jour, Sid (diminutif de Simon-David) est un serveur dans un bistro branché; de nuit, il devient un hacker combattant les injustices sociales, tentant de racheter sa conscience, alourdie par la mort de son meilleur ami. Sid flirte avec Sarah, parvient à la convaincre de quitter son milieu de travail malsain. Mais le patron de la danseuse refuse de la laisser partir et lui extorque une somme d’argent considérable. Désespérés, les deux amoureux décident de participer conjointement à une étude clinique d’AlphaLab, et d’utiliser la compensation financière pour payer le patron de Sarah. Mais leur plan déraille lorsque les effets de la drogue expérimentale se font sentir, et qu’une insatiable envie de tuer s’empare des deux cobayes...
Coyabes – Sarah et Sid est un roman bien écrit et bien construit. La narration alterne constamment entre les deux personnages : un chapitre est focalisé sur Sarah, l’autre sur Sid, et ainsi de suite. L’auteur se permet aussi quelques libertés par rapport à sa structure, avec des articles de journaux, des rapports d’expérience et quelques scènes très distantes de techniciens informatiques anonymes. Dans l’ensemble, c’est très solide.
Les personnages sont bien campés et introduits avec brio, sauf peut-être pour la double occupation de Sid. Il est d’abord présenté comme un serveur très charismatique, puis, le chapitre suivant, comme un geek pratiquement antisocial; même si le roman parvient à allier les deux facettes de la personnalité de Sid (et même à y puiser une certaine richesse littéraire), la présentation de cette dualité est un peu brutale.
D’ailleurs, petit bémol : les descriptions de l’univers informatique de Sid semblent directement tirées de films hollywoodiens, avec la naïveté et les raccourcis navrants que cela implique. Dans un film, qui repose principalement sur la dimension visuelle du matériau narratif, il est compréhensible que le récit désire représenter graphiquement ce qui se produit sur un ordinateur. Ainsi, si un hacker se voit interdire l’accès à un serveur protégé, l’écran affichera quelque chose comme un gros « X » rouge, avec un « Accès refusé » en lettres clignotantes. C’est très clair. Mais dans un roman, ce genre de procédé n’est ni nécessaire ni désirable. En effet, l’auteur dispose d’outils narratifs plus fins et plus efficaces (dans le contexte d’un récit littéraire) pour traduire les péripéties informatiques de ses personnages. Vous direz que ça prend bien un littéraire-informaticien pour soulever ce genre de détail, et vous aurez raison.
Dans l’ensemble, le roman fonctionne très bien du côté de la progression dramatique. L’évolution de la relation entre Sarah et Sid semble naturelle : elle guide le récit plutôt que d’être à sa remorque. Cela permet un déroulement très fluide et crédible des événements qui mène au malheur des protagonistes. J’ai trouvé que le récit devient particulièrement intéressant lorsque le lecteur comprend que Sid est beaucoup moins réceptif que sa copine aux effets de la drogue expérimentale : ça permet une dynamique dramatique vraiment très efficace et puissante. Cependant, le roman prend ensuite une autre direction, et m’a paru faire du surplace jusqu’à la scène finale, qui, bien qu’intéressante, n’exploite pas tout son potentiel horrifique.
Il m’a semblé que le roman de Patenaude cherchait moins à insérer des détails intertextuels que celui de Addison. Peut-être, aussi, était-ce que ces détails étaient plus habillement cousus au récit.
J’ai aussi apprécié que ce roman fasse légèrement avancer l’intrigue générale de la série, en donnant quelques indices sur la réelle mission d’AlphaLab. J’espère vivement que les autres romans trouveront un moyen d’ajouter d’autres pièces au puzzle, sans tomber dans la redite.
Cobayes – Sarah et Sid est un roman dramatique très réussi. Malgré quelques scènes graphiques et intenses, je n’irais cependant pas jusqu’à le classer comme un roman d’horreur. Ça n’enlève rien, cependant, à sa qualité générale.
Critique parue dans Brins d'éternité 40
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