Les notes de sang
Londres, 1850. Hawthorne Lambton, horloger, inventeur génial et secrètement chef de la Confrérie des Freux (une organisation criminelle très puissante) convoite un violon magique que possède Yoshka Sinta, un tsigane. Ce dernier, accompagné de sa fille Toszkána, cherche à détruire le violon, source d’une malédiction ancestrale qui entraîne la mort des femmes de son clan dès qu’elles atteignent leur vingtième anniversaire. Lambton veut utiliser l’instrument de musique pour guérir son fils gravement malade, mais aussi pour étendre le pouvoir de sa Confrérie. L’horloger envoie donc un de ses sbires pour subtiliser le violon. Cependant, l’opération tourne mal : Yoshka est assassiné et le violon est perdu. Lambton manigance donc pour récupérer l’objet, tandis que Toszkána tente de se libérer d’une maison close où elle s’est retrouvée à la suite à la mort de son père.
Voilà un résumé, plutôt incomplet, j’en conviens, du roman de Corinne de Vailly. J’ai été contraint de tourner des coins ronds dans mon résumé, puisque Les notes de sang fourmille de sous-intrigues entrelacées (ce qui est une bonne chose), et qu’un résumé exhaustif de chacune d’entre elles aurait débordé de l’espace qui m’est alloué pour cette critique.
L’auteure met en place avec brio une atmosphère typiquement steampunk. Tous les éléments y sont : le brouillard, les improbables machines à vapeur, la misère rampante qui découle d’un capitalisme naissant et sauvage… C’est très réussi. Je dois admettre, cependant, avoir une réserve quant à l’aspect magique que prend le récit quand il traite du violon. Ce n’est pas tant que la dimension mystique ne cadre pas avec l’imaginaire steampunk (qui se rattache davantage à la science-fiction, et donc au matériel, à la technologie), mais plutôt que j’ai l’impression que la confrontation des deux domaines (science contre magie) n’est pas suffisamment exploitée. Par exemple, Lambton fabrique un automate (majoritairement composé d’os humains, rien de moins!) pour jouer du violon, et… Ça n’aboutit pas à grand-chose. L’idée est excellente, mais le récit ne fait que la présenter, sans en explorer les conséquences narratives et littéraires. J’ai l’impression qu’il y a là des occasions manquées.
Cela dit, le roman présente des personnages intéressants et très bien construits. Lambton, par exemple, oscille entre la figure du scientifique fou assoiffé de pouvoir et celle d’un père véritablement inquiet de la santé de sa progéniture. Il veut donc s’approprier les pouvoirs magiques du violon pour sauver son fils, mais aussi pour étendre l’empire de sa Confrérie. D’autres personnages, comme Toszkána, sont un peu plus unidimensionnels, mais tout de même bien esquissés, et se comportent généralement de manière crédible et cohérente.
L’écriture dans le roman est globalement très compétente, avec un vocabulaire riche et varié, ainsi qu’une syntaxe impeccable. Le seul point qui m’a un peu agacé, c’est la focalisation très laxiste, qui passe allègrement d’un personnage à un autre à l’intérieur d’une même scène. Je suis plutôt un partisan d’une focalisation plus rigide, qui, à mon sens, donne une narration plus resserrée et cohérente. Mais bon, on ne peut pas tout avoir, semble-t-il.
Les notes de sang est un roman intéressant, très bien construit, même s’il ne me semble pas explorer toute la richesse de son potentiel.
Critique parue dans Brins d'éternité 41.
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