1/15/2010

Excuses d'un gentleman

Hier soir, j'ai été prendre une bière avec mon ami Mathieu au McKibbins. L'endroit est sympathique, surtout au sous-sol, avec le plafond un peu bas et le comptoir en bois inégal. Belle ambiance de pub irlandais. Mais tu bien connais l'endroit, tu y étais, toi aussi.

C'est moi qui a eu la mauvaise idée de proposer de commander une douzaine de Rim Reapers, des ailes de poulet tellement épicées que le pub donne un chandail souvenir à ceux qui parviennent à toutes les ingurgiter. Par la suite, le barman m'a dit que les chefs, dans la cuisine, se mettaient presque des masques pour ne pas entrer en contact avec les vapeurs du plat. Avoir su ça avant, j'aurais peut-être changé d'idée, mais bon, tu sais, je me suis dit qu'au pire, je serais content d'avoir essayé. Mathieu aussi s'est lancé dans la folle aventure.

Arrivent les plats. Encore maintenant, je ne comprends pas comment l'assiette a pu ne pas fondre sous cette concentration d'épicé. Tu vas peut-être rire de moi, mais sur les douze ailes, je n'en ai mangé que trois et demi. Si on compte qu'en moyenne, une aile comporte deux bouchées, voici la progression de mon expérience gustative.

Première bouchée: poulet piquant
Deuxième bouchée: piquant au poulet
Troisième bouchée: piquant, très piquant
Quatrième bouchée: trop piquant
Cinquième bouchée: Douleur
Sixième bouchée: Douleur
Septième bouchée: Douleur

Mathieu, que tu ne connais pas, je crois, a passé à travers ses douze ailes, lui. Il en pleurait dès la moitié. Comme quoi que c'est bien seulement dans un pub qu'on peut voir un homme en larmes. J'ai félicité mon ami, lui ai offert une bière pour qu'il étanche sa soif et qu'il fasse passer l'horrible sensation de se transformer en dragon, de l'intérieur. Même si j'avais bien moins mangé que lui, j'avais aussi mal aux lèvres, à la bouche et, sensation imprévue, jusque dans la gorge. Ouch.

Puis, sans y penser, je me suis planté un doigt dans l'oeil. Comme un grand.

Erreur, erreur, erreur.

Je m'étais évidemment essuyé les doigts (si tu as déjà mangé des ailes de poulet, épicées ou non, tu sais qu'il est plutôt difficile de demeurer présentable pendant la dévoration), mais je ne les avais pas lavés encore. L'effet a été immédiat: douleur, larmes, l'impression que la paupière enfle, l'oeil qui veut se refermer pour toujours pour se venger de ces mauvais traitements... Je me suis donc précipité vers les toilettes pour laver mon globe oculaire à grande eau.

J'arrive, en larmes à mon tour (mais d'un seul oeil), au fond du pub. Devant moi se dressent deux portes en tous points identiques, si ce n'est les inscriptions sur chacune d'entre elle. À gauche, Fir, à droite, Mnà. "Aucun problème, me dis-je, je n'ai qu'à regarder dans laquelle il y a des urinoirs". J'entrouvre Mnà. Rien. Je me tourne vers Fir, et jette un oeil (littéralement): pas d'urinoirs visibles non plus. Zut.

Je décide d'entrer dans Mnà, en me disant qu'il s'agit, si on fait abstraction de l'accent, d'un anagramme de "Man" (forcément, ça doit signifier quelque chose), que je ne parle pas du tout l'irlandais et que de toute façon, toutes ces considérations pudiques m'importent peu alors qu'une version live de l'intro d'Apocalypse Now est en train de se dérouler sous ma paupière. Si tu ne comprends pas ce que je veux dire, je te suggère de demeurer dans l'ignorance et de ne pas tenter de reproduire mon expérience.

Après quelques minutes de sacres et d'eau au visage, je parviens à ouvrir mon oeil pendant plus d'une seconde sans avoir l'impression qu'on est en train de le frotter vigoureusement avec du sel de mer. C'est à ce moment que je remarque un pompier, torse nu, qui me sourit en essayant de me vendre son calendrier.

Oh. Aucune chance qu'une pub comme ça se trouve dans la toilettes des hommes, n'est-ce pas?

J'entreprends donc de quitter subtilement les lieux. En me dirigeant vers la porte, j'avise un cubicule, suspicieusement fermé, d'où émane un silence inconfortable. Je sais que tu t'y cachais, dame inconnue. Et ce billet, comme l'indique le titre, se veut une présentation de mes plus plates excuses.

Je suis désolé d'avoir envahi ton intimité, de t'avoir exposé à ces bruits d'eaux suspects, d'avoir répété sans relâche le nom de l'animal préféré de Brigitte Bardot tandis que tu te terrais, terrorisée, entre la cuvette et le papier hygiénique.

Donc, voilà, mes excuses. À toi.

(Finalement, il y avait bien des urinoirs dans Fir, mais dans l'angle mort que créé la porte, en s'ouvrant. Misère)

Et dire qu'après tout ça, c'est Mathieu qui est reparti avec un chandail. La vie est injuste.

10 commentaires:

  1. Le doigt dans l'oeil !!!! Ça fait longtemps que j'ai pas ri comme ça.

    Tu fais du bien à ma rate, merci G.

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  2. lolololol!

    Je me suis déjà trompée de toilettes moi aussi dans un autre pub irlandais.

    Par contre, le pub était plus grand et mieux équipés en urinoirs... situés juste en face de la porte.

    Tu imagines le spectacle pour la pauvre ado de 15 que j'étais! O_o

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  3. Ahahaha...
    Aahhhhh les épreuves que la vie nous réserve...

    Ca me rapelle la préparation du boudin avec les locaux, à la Martinique. Leurs piments mutants Klingons sont si forts qu'on ne peut vraiment rien toucher avec, oublie les wc, ou alors pas avant de te laver au karscher...

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  4. Loll !!!

    Moi aussi je me suis déjà trompé de salle de bain involontairement et même volontairement, car je ne supporte pas les longue fies d'attente pour les toilettes des filles.

    Moi c'est le gars à l'urinoir qui a figé ;)

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  5. Richard : Content que mes déboires puissent contribuer à la bonne santé de certains!

    Gen : J'avoue que la vue d'un homme passablement éméché bien concentré à uriner, c'est pas ce qui a de plus reluisant, dans la vie.

    Alexandre : Ouch. Ouch ouch-ouch-ouch.

    Isabelle : [...] Bon, j'ai failli écrire une indécenterie en pensant que tu étais ma soeur, avec qui tu partages ton prénom. Ouf, décidément, ces temps-ci...

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  6. Bah voyons tu sais bien que j'utilise pas mon nom pour mon blog lol (même si l'adresse url est mon nom au complet... ironie...).
    Très drôle cette anecdote. On s'en reparle :p

    Ta soeur ( au cas où ...)

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  7. Hahahaha *pisse de rire*! Les toilettes au McIbbins surprennent en effet et moi aussi, je me suis déjà trompé mais pas au point d'en avoir commencé mes besoins... :p

    Le plus surprenant fût une soirée dans l'époque du "Big Cheese" (devenu Rockettes, coin Mont-Royal/St-Denis), bref là où les toilettes sont mixtes... Laisse moi te dire que de te faire watcher le cul par des nanas à moitié saoules alors que tu urine, est une expérience vraiment surréaliste et dérangeante au bon déroulement du processus de l'élimination de la bière par voie naturelle!

    Sur ce, tu peux maintenant afficher ton label ouvertement, soit: "Hardcore Motherfucker" :D

    Cheers!


    PS: Au fait, cette bière on se l'a prend quand???

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  8. Ouah hahahaha ! Le malheur des uns blablabla. ;-)
    Il y a tout de même un peu de compassion derrière le rire, j'ai déjà croqué un petit piment habanero en me disant que ça ne devait pas être si fort que ça. ERREUR !!!! Me suis brûlée d'aplomb !

    Toilettes mixtes ??? Ça a le bénéfice d'éviter de se tromper de porte. :-s

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  9. Isa-Bad Wolf : Je sais, c'est d'autant pire, non?

    Alamo : Pas en fin de semaine, en tout cas, puisque j'aide à déménager et que je travaille. Agrr. Je te recontacte en privé.

    Caro : Ah, mes sympathies, je sais ce que c'est... Et effectivement, les toilettes mixtes ont clairement des avantages. Mmmm...

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  10. Mdrrrr! Alors là, je me roule par terre, vous faites tous ma journée! Non mais, ça les perturberait vraiment, les proprios du pub, de clarifier leurs écriteaux? Ou peut-être que c'est fait exprès. Peut-être installent-ils des caméras dans les toilettes afin d'égayer leurs soirées en riant de tous ces malentendus... ;)

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